Guerre en Ukraine, les entreprises invitées à communiquer sans tarder

Guerre en Ukraine, les entreprises invitées à communiquer sans tarder

Jeudi 16/03/2022

Nous ne sommes pas encore sortis du Covid que le conflit russo-ukrainien, autre événement brutal, vient bouleverser toutes nos économies. Les entreprises doivent sans attendre communiquer sur les impacts de la guerre sur leurs activités, perspectives et situation financière. L’AMF vient de le rappeler.

Les entreprises les plus exposées ont déjà réagi. Pour les autres, il est grand temps de se poser les bonnes questions. Deux échelons sont particulièrement sollicités : les instances de gouvernance et les risk managers.

Entretien avec Christine Cantournet, experte Risques chez Labrador

Quelles sont les recommandations pour les entreprises qui doivent communiquer sans tarder sur les nouveaux risques liés aux conséquences du conflit russo-ukrainien ?

Dans un premier temps, seules un certain nombre de sociétés implantées localement sont directement affectées par cette situation (dans les secteurs du luxe, de l’énergie, ou encore de l’agroalimentaire…). Mais nous le savons bien, les risques indirects liés à cette crise vont affecter un plus grand nombre d’entreprises et de pays notamment au regard de l’approvisionnement des matières premières, dont l’énergie, et au risque des cyberattaques.

À la troisième semaine de conflit, les entreprises concernées ont déjà réagi et se sont mises en mode gestion de crise, pour sécuriser les biens et les personnes, et continuent opérationnellement sur le sujet (rapatriement, sécurisation des personnels qui restent, sécurisation des usines et des stocks de marchandises…).

Pour les autres sociétés, le moment est propice à se préparer en se posant un certain nombre de questions.

Quels genres de questions, à quels niveaux ?

À deux niveaux pour l’essentiel : les instances de Gouvernance et bien entendu, sur un plan opérationnel, les Risk Managers.

Les instances de gouvernance (directions générales et leur conseil d’administration ou de surveillance) ont 4 thématiques sur lesquelles elles doivent se pencher :

  1. Décider du maintien, de la suspension de l’activité ou du retrait de l’un ou des deux pays avec l’évaluation des conséquences directes sur la perte de chiffre d’affaires, la dépréciation des actifs et des stocks, minorée ou non par la couverture d’assurances.
  2. Revoir les objectif stratégiques et les perspectives de l’entreprise. Faut-il les ajuster, les modifier, voire renoncer à l’un d’entre eux (implantation commerciale, construction d’usine…). La durée du conflit s’installant et le poids des sanctions économiques à l’encontre de la Russie vont avoir des conséquences durables pour l’économie européenne : inflation, coûts de l’énergie, rareté de certaines matières premières.
  3. Envisager, avec l’aide du Risk manager, l’improbable à savoir le basculement vers un conflit armé étendu.
  4. Communiquer en interne (mobiliser et faire sens) et en externe (voir encadré).

Les risk managers vont avoir beaucoup de travail …

Les risk managers ont la lourde tâche de coordonner la gestion des risques induits par ce conflit avec l’aide des directions concernées au sein de l’entreprise (RH, Finances, systèmes d’information, Achats, Juridique, Supply Chain…)

  1. Actualiser la cartographie des risques et notamment les catégories Risque géopolitique, Risque matières premières, Risques fournisseurs, Risques cyberattaques.
  2. Coordonner et vérifier que les plans de réduction des risques prévus ou à construire sont toujours pertinents (sinon les modifier) et sont bien gérés par les opérationnels concernés.
  3. Établir un reporting spécifique sur les risques liés au conflit à destination de la Direction générale et de son Conseil.
  4. Faire une veille active notamment via son association professionnelle ou sectorielle et en particulier suivre les recommandations de l’ANSSI sur les cyberattaques à venir.
  5. Envisager le « rhinocéros gris » et documenter l’improbable à savoir le déclenchement d’un conflit armé plus étendu.

Vous n’auriez pas une conclusion un peu optimiste ?

Dans toute situation à risques, il y a des opportunités particulières et d’intérêt général qui s’ouvrent pour les entreprises. A l’instar de l’accélération de la digitalisation contrainte par la crise Covid, on pourrait voir demain une accélération du changement du mix énergétique pour répondre à la dépendance énergétique de l’Europe (gaz et pétrole) et contribuer ainsi à la mise en œuvre accélérée des engagements climatiques pris par les États et les entreprises. Nous revenons à quelques notions de base, parfois laissées de côté : autonomie, indépendance et souveraineté.

Propos recueillis par Beñat Caujolle

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GUERRE EN UKRAINE, L’AMF ATTIRE L’ATTENTION DES SOCIÉTÉS COTÉES

Dans sa communication du 15 mars, L’AMF attire l’attention des sociétés cotées sur les points de vigilance retenus par l’ESMA. Conformément à la règlementation MAR (Market Abuse Regulation), les autorités invitent ainsi les émetteurs à communiquer dès que possible sur leurs activités, perspectives et situation financière. Les informations qualitatives et quantitatives publiées doivent porter sur les impacts directs et indirects actuels et prévisibles de la crise sur les activités, la stratégie, les expositions, les chaînes d’approvisionnement, la situation financière et la performance des sociétés. Cette information doit se retrouver au sein des rapports financiers annuels 2021ou URD, et/ou dans les informations semestrielles à venir, et être présentée lors des assemblées générales.

Très concrètement, pour Christine Cantournet, experte Risques chez Labrador,

« nous avons deux cas : 

les entreprises ayant déjà publié leur DEU, doivent publier sans attendre un communiqué relatif aux impacts de la crise sur leurs activités, les perspectives et leur situation financière et prévoir un addendum au DEU ;

les entreprises qui s’apprêtent à publier leur DEU doivent inclure ces informations dans le mot du Président et actualiser le chapitre risques, les sections « perspectives » et/ou « Événements post clôture » ainsi que dans le rapport financier pour les données qualitatives et quantitatives déjà existantes ».

Pour Christine Cantournet, « Nous retrouvons ici les mêmes exigences de transparence que face à la crise du Covid ».

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