Le gestionnaire DWS dans la tourmente ESG

Jeudi 16/09/2021

Par Marie-Pascale Peltre

Fin d’été difficile pour le gestionnaire DWS Group, filiale cotée en bourse de Deutsche Bank. La SEC et la BaFin ont ouvert des enquêtes après les dénonciations, relayées par le Wall Street Journal, de l’ancienne directrice de l’investissement durable de DWS. Cette dernière, congédiée à la veille de la publication du rapport annuel 2020 de DWS, faisait savoir que le gestionnaire d’actifs aurait surévalué la part de ses investissements ESG. Les investisseurs ont sanctionné l’information. Le titre affiche, toujours aujourd’hui, un repli de près de 15% par rapport à ses niveaux du 25 août. Dans un communiqué, DWS rappelle son engagement de plus de 20 ans et ses convictions en matière ESG et explique distinguer, d’un côté, les actifs sous gestion dédiés à l’ESG, « dedicated  ESG » et, de l’autre, des actifs « integrated  ESG», dont la gestion est active et qui intègrent une couverture ESG à plus de 90 % du portefeuille, sans plus de précisions.

Les principaux enseignements de cette affaire sont :

  1. Les autorités de tutelle, des deux côtés de l’Atlantique, prennent au sérieux les accusations de « greenwashing» et d’« ESG washing » qui se font de plus en plus entendre, au fur et à mesure que les investissements ESG se développent et que l’examen des portefeuilles s’aiguise. Récemment le régulateur néerlandais a interpellé des sociétés de gestion, sans pour autant les sanctionner à ce stade, notamment sur la communication et la gestion de nombreux fonds.
  2. L’investissement responsable est dépendant de la qualité des données financières et extra-financières fournies par les sociétés dans lesquelles les gestionnaires investissent et des méthodologies de reporting et d’évaluation. Pour permettre un reporting homogène et de bonne qualité, l’Union Européenne élabore une taxonomie verte et a chargé l’EFRAG de mettre en place des normes de durabilité, s’appuyant sur des référentiels existants (en parallèle de futures normes de durabilité internationales).
  3. Mais, au-delà de la qualité des données ESG, la crédibilité de l’investissement responsable et des sociétés de gestion est également dépendante de la qualité des méthodologies et des politiques retenues par les sociétés de gestion et les gérant.e.s de fonds. Si, en France, il existait déjà une règlementation, le règlement « disclosures» (Sustainable Finance Disclosures Regulation) commence à encadrer les pratiques des acteurs financiers dans le domaine, au niveau européen. Par ailleurs, la sélection de fonds d’investissement responsable peut ou pourrait également s’appuyer sur les labels existants dans différents pays (ISR ou Greenfin en France), pourvu qu’ils soient eux-mêmes jugés suffisamment transparents et exigeants.

Le dossier est suivi de près par l’ensemble du secteur de la gestion d’actifs dont la crédibilité est en jeu. La vigilance des régulateurs, des auditeurs des données extra-financières des sociétés et des contrôleurs/auditeurs de fonds labellisés ou postulant à un label contribuera à préserver son image.

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Marie-Pascale Peltre, (Conseil/ reporting RSE et Investissement Responsable, analyse financière et extra financière.
Membre de la Commission des Normes comptables Internationales à l’ANC (Bercy) et du User Panel de l’EFRAG (Bruxelles) pour les IFRS.)