L’information extra-financière et financière parleront le même langage

La CSRD va bouleverser l’information extra-financière. L’enjeu de ce nouveau chantier dépasse les sujets de reporting. Les entreprises vont devoir aller bien au-delà et entamer un vrai travail de fond stratégique. En effet, la règlementation implique qu’elles repensent leurs modèles d’affaires et leurs stratégies à l’aune des enjeux environnementaux et sociétaux. Le tout, basé sur du concret, en apportant des preuves, en détaillant leurs actions et en faisant remonter les résultats obtenus. La forme du reporting est beaucoup plus encadrée, par des nouvelles Normes européennes relatives aux rapports sur le développement durable (ESRS). 

Entretien avec Corinne Baudoin, Consultante communication ESG et intégrée

– La CSRD arrive à grands pas, pourquoi faut-il s’y mettre sans attendre ?

Les entreprises ont dès aujourd’hui à s’interroger, en amont de tout process, sur cette compatibilité de leur modèle avec les transitions environnementales et sociétales. Des ajustements sur le modèle d’affaires et la stratégie sont à prévoir. Cette démarche structurante implique tous les acteurs de l’entreprise et se poursuivra sur des années. Il va falloir repenser par exemple le positionnement des directions des ressources humaines, des achats, de l’innovation, des risques, de l’audit interne… D’autre part, il y a dans bon nombre de domaines des « réconciliations » à bâtir entre les états financiers et extra-financiers. L’enjeu est de renforcer significativement le couple financier / extra- financier.

« Les rapports de durabilité vont devoir progresser en lisibilité, comparabilité et neutralité »

– Par quoi faudrait-il commencer ?

Il faut commencer par l’analyse de double matérialité, dont la méthodologie est maintenant très encadrée. C’est un élément central qui détermine les futures obligations de reporting. Toujours dans les priorités, il faudrait sensibiliser la direction générale sur le fait que le reporting de durabilité devra suivre les mêmes exigences que l’information financière, avec ses principes de complétude, de neutralité et d’exactitude. Or, les DPEF sont aujourd’hui souvent taxées de subjectivité… Il y a ici un véritable travail de pédagogie à mettre en place. Pas ou plus question de surestimer les opportunités ou de sous-estimer les risques ! Cela passe aussi par une montée en compétence des responsables de l’audit et du contrôle interne sur ces sujets. Ils devront veiller à la fiabilité des données et à la transparence des hypothèses utilisées.

« Certains sujets demandent encore de gros travaux »

– Nous en sommes loin ?

La maturité des émetteurs français est déjà assez avancée, et beaucoup se montrent proactifs dans leur préparation à la CSRD. Mais certains sujets demandent encore de gros travaux. Notamment, sur la question de la maitrise des droits humains dans la chaîne d’approvisionnement, ou sur les stratégies climatiques ou relatives à la biodiversité.

Et puis, pour que le lecteur puisse disposer d’une information plus comparable et soutenue par des éléments de preuves, encore faut-il que qu’elle soit accessible, compréhensible. Elle sera alors appréciée à sa juste valeur. Les efforts de transparence, de pédagogie, de clarté conservent tout leur intérêt dans le cadre du rapport de durabilité. Ce sera d’ailleurs l’objet du prochain Observatoire de Labrador (28 septembre 2023).

Propos recueillis par Beñat Caujolle

Dates-clés :

Les entreprises déjà soumises à la NFRD sont concernées dès l’exercice 2024 : la CSRD vient remplacer la DPEF.

Toutes les autres grandes entreprises européennes sont concernées pour l’exercice 2025

Les PME cotées sont concernées par un reporting allégé pour l’exercice 2026