Entretien avec Corinne Baudoin, Consultante communication ESG et intégrée
Pourquoi faut-il se mettre sur le sujet CSRD sans attendre ?
La réglementation avance progressivement. Il y a encore bon nombre d’ajustements, d’aménagements temporels, de décrets à paraître. Mais au cœur de ce texte, le principe de la double matérialité reste un pilier. Les entreprises doivent s’interroger sur les conséquences financières des enjeux environnementaux et sociaux, mais aussi sur leurs impacts sur l’environnement et la société. Et cela passe par une réflexion détaillée, une analyse particulièrement fine des impacts, risques et opportunités liés aux critères ESG. Alors on doit se poser la question dès aujourd’hui : que faire si on détecte des enjeux matériels jusqu’ici non identifiés ?
« La question de la disponibilité en eau peut entraîner des changements structurants de stratégie. »
Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’enjeux qui sont remontés avec l’analyse de matérialité ?
L’analyse de la matérialité financière des critères ESG peut par exemple faire apparaître une dépendance à une ressource en particulier. Nous ne sommes plus en effet dans une analyse de risques classique en net et sur le court terme. Avec la double matérialité, l’entreprise analyse les risques bruts à court terme, mais aussi et surtout à moyen et long terme. La liste des enjeux à analyser est assez granulaire. L’entreprise doit se projeter sur différents scénarios comme le dérèglement climatique, qui a des conséquences sur l’accès à l’eau et à certaines matières premières, ou encore sur le changement de comportements des consommateurs.
En s’interrogeant d’autre part sur l’impact qu’elle peut avoir, notamment sur le rapport entre l’utilité sociale de son produit et son impact sur l’environnement, l’entreprise peut s’engager dans des voies disruptives et novatrices. Comment se passer du plastique ? Comment trouver sa place dans l’économie de la fonctionnalité ?… Autant de questions très concrètes qui peuvent surgir à cette occasion.
Dès lors, l’entreprise doit s’approprier cet enjeu matériel nouveau, le partager avec les instances dirigeantes, préparer de nouvelles politiques, et donc construire une stratégie qui lui permette de gérer ces incidences ainsi identifiées. Et sur la durée ! D’où l’importance de commencer le travail sur la double matérialité, pas seulement dans un but de reporting.
« Nouveaux standards de marché et barrières à l’entrée »
Cette analyse de double matérialité est un enjeu de réflexion stratégique…
L’entreprise doit gérer un enjeu identifié comme matériel selon le principe de la diligence raisonnable (la proportionnalité). Tout l’intérêt de la CSRD et de la double matérialité est de faire remonter l’information à la direction générale. Le reporting est là pour enclencher une réflexion stratégique. Nous sommes dans une démarche d’amélioration continue sur des sujets qui ont été identifiés de manière la plus objective possible. L’idée est bien de construire une feuille de route stratégique et les budgets qui vont avec, sans attendre les obligations de reporting.
Mieux, certaines entreprises se servent de ces réflexions pour être plus innovantes, pour poser de nouveaux standards dans leur métier et par là même ériger de nouvelles barrières à l’entrée. En partant du principe que c’est possible !
Propos recueillis par Beñat Caujolle