Transparency Awards : en route vers la 15e édition

A l’occasion des 15 ans des Transparency Awards, nous partons à la rencontre de celles et ceux qui ont contribué à faire avancer la Transparence en France. Rencontre avec Nathalie Besombes.

Pourquoi la transparence de l’information d’entreprise est-elle essentielle ?

La transparence est essentielle car elle améliore l’efficience et la croissance économiques et renforce ainsi la confiance des investisseurs. Elle incite les dirigeants à progresser et mieux répondre aux attentes de leurs parties prenantes.

La transparence progresse à la faveur des crises : du krach boursier de 1929 qui a conduit à la création de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine, à l’affaire Enron qui est à l’origine notamment de la loi Sarbanes-Oxley ou du référentiel IFRS, en passant par l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh qui a donné naissance en France à la loi sur le devoir de vigilance.

Grâce à ces coups d’accélérateurs, les dirigeants doivent désormais rendre des comptes à leurs actionnaires, mais plus largement à l’ensemble de leurs parties prenantes (salariés, partenaires, société civile, ONG…).

Plus l’entreprise publie d’information, plus elle est exposée, plus cela donne du pouvoir à ses parties prenantes, qui peuvent l’interpeller, lui demander de se transformer, etc. La transparence facilite ainsi la surveillance des activités de l’entreprise et permet donc d’instaurer une forme de contre-pouvoir.

Enfin, la transparence amène la transparence, car les informations communiquées génèrent des questions et conduisent ainsi à de nouvelles réponses. Le législateur s’adapte à ces nouvelles demandes et renforce ses exigences. Ainsi, au niveau sociétal, comme au sein de l’entreprise, la transparence précède le changement de culture.

Qu’est-ce qui vous a donné envie/incité à vous emparer du sujet de la transparence ?

Il y a quelques années, on m’a demandé d’animer des formations internes sur le rapport annuel au sein de la société cotée dans laquelle je travaillais. J’ai pu prendre pleinement conscience du fait que pour être comprise par des non-spécialistes, l’information devait être présentée simplement et avec pédagogie.

Cela m’a incitée à davantage de curiosité et à prendre connaissance des informations publiées par le CAC 40. J’ai alors commencé à réaliser mes propres benchmark pour identifier les bonnes pratiques en la matière et m’inspirer pour la rédaction du document de référence (désormais, le document d’enregistrement universel), de la brochure de convocation ou du site internet. Je m’intéressais également ce qui se faisait dans le monde anglo-saxon, ce qui nous a permis par exemple d’identifier l’arrivée du Say on Pay avant même que cette notion ne soit évoquée en France. À travers cette démarche, nous avons pu faire évoluer nos documents année après année dans un souci constant et faire progresser leur niveau de transparence.

En 2010, cette société a fait l’objet d’une tentative de prise de contrôle. Si cette tentative a échoué, l’affaire a fait l’objet de plusieurs contentieux boursiers qui ont été largement médiatisés sur plusieurs années. Nous avons alors constaté un intérêt croissant des investisseurs et des parties prenantes pour cette société familiale plutôt discrète.

A partir de 2018, lors de son entrée au sein du CAC 40, cette société est devenue encore plus visible et a, de ce fait, fait l’objet d’un intérêt plus marqué de la part de ses parties prenantes. Parallèlement, les évaluations des agences de notation ou des prix, tels que les Transparency Awards organisés par Labrador, ont continué de nous motiver à améliorer la transparence de notre information.

Quels sont, selon vous, les freins à la transparence ?

Nous parlions des agences de notation. Beaucoup ne publient pas leur méthode d’analyse, leurs objectifs ou leurs critères de notation. Ce manque de transparence ne permet pas aux sociétés de s’auto-évaluer, et donc d’évoluer. Il génère également un risque de conflit d’intérêts.

L’AMF a plusieurs fois interpellé les agences de notation pour qu’elles fassent preuve d’une plus grande transparence. La Commission européenne quant à elle a publié une proposition de règlement sur la transparence et l’intégrité des activités de notation environnementale, sociale et de gouvernance.. Les choses devraient donc évoluer.

Un autre frein est l’absence ou l’insuffisance de standardisation des présentations entre les entreprises ou bien l’hétérogénéité des données et des unités de mesures utilisées. Il devient dès lors complexe de comparer les informations. Or, il s’agit d’un des piliers de la transparence.

Et ses bénéfices ?

Nous en avons déjà un peu parlé. La transparence pousse à l’excellence. Elle renforce la compétitivité. Elle valorise les sociétés qui ont les meilleures pratiques. Elle renforce la confiance des investisseurs et des parties prenantes, et participe ainsi à la stabilité des marchés financiers.

Pour les 15 prochaines années à venir, quels seront les grands enjeux en matière de reporting et de transparence de l’information?

L’exercice de projection n’est pas simple, mais certains axes de travail me semblent clés pour les entreprises. Le premier, c’est celui de renforcer l’accessibilité et la lisibilité de l’information. En tant que lecteur, nous devons pouvoir trouver facilement et simplement l’information.

La synthèse est un autre axe de travail, qui va devenir d’autant plus important avec l’entrée en application de la CSRD. Trop d’information tue l’information. Il ne s’agit pas de noyer le lecteur, mais bien de lui donner les informations dont il ou elle a besoin de la manière plus simple à comprendre possible. Le recours aux schémas et aux infographies contribue à rendre l’information plus pédagogique et compréhensible. Tout le travail qui est réalisé en matière de légal design est à ce propos très inspirant.

Le développement de l’intelligence artificielle (IA) devrait également avoir un impact considérable sur la manière de produire l’information d’entreprise.

Je pense que nous devons nous préparer une distinction plus claire entre le reporting, destiné aux experts d’un côté, et la transparence, destinée à l’ensemble des parties prenantes de l’autre.

Note de clarté de cet article : 75/100

(Source : Plainly)