Que ce soit pour la prévention de la corruption, les risques liés aux droits humains ou la protection des données, la cartographie des risques donne un sens aux actions mises en place par les entreprises, facilitant ainsi les arbitrages. Cependant, ce processus complexe peut être chronophage.
Le 16 janvier 2024, le webinaire “Des cartos qui ont de l’écho !” organisé par Labrador Ethics & Compliance a réuni des experts pour partager leurs expériences et bonnes pratiques dans l’élaboration de cartographies des risques de corruption et de droits humains. Animé par Alicia Couderc, Directrice générale et co-fondatrice de Labrador Ethics & Compliance, ainsi que du média Compliances, le panel a réuni Amine Talbi, Group Compliance Director & Group DPO chez Tessi, Charlotte Michon, fondatrice du cabinet Charlotte Michon Avocat et du podcast Responsabilités!, et Samuel Guetta, co-fondateur de Labrador Ethics & Compliance et Compliances et avocat associé chez Novlaw Avocats.
Construire et mettre à jour ses cartographies des risques
Pour Amine Talbi, l’approche par les risques est l’approche optimale en matière de compliance. Cela permet de facilement s’adapter au contexte, aux moyens et à la feuille de route donnée par la direction, mais nécessite une gouvernance claire. Chez Tessi, les risques sont pilotés par la direction conformité. Un socle commun de mesures d’atténuation est instauré au niveau du Groupe, s’adaptant ensuite aux spécificités de chaque filiale.
La cartographie des risques n’est pas une fin en soi nous rappelle Samuel. Pour garantir l’efficacité du processus, il est essentiel d’intégrer les opérationnels qui connaissent bien les risques au quotidien. De plus, la cartographie doit correspondre à la stratégie de l’entreprise, nécessitant l’implication de ceux qui la font, c’est-à-dire l’instance dirigeante.
“La cartographie est une histoire. Il faut être capable d’en tirer des conclusions pour la faire évoluer dans sa mise à jour.” – Samuel Guetta
De son côté, Charlotte rappelle que le devoir de vigilance a pour objectif de capter les risques d’impacts négatifs sur les personnes et l’environnement. C’est un exercice différent de la cartographie des risques de corruption, qui demande de nouvelles méthodologies et de solliciter des acteurs différents.
« Cela a été confirmé par le procès la Poste, on cherche dans le cadre du devoir de vigilance à avoir une granularité des risques beaucoup plus précise, ce qui est d’ailleurs une condition d’effectivité. » – Charlotte Michon
On retrouve dans la double matérialité instituée par la CSRD la notion d’impact négatifs, qui permet une mutualisation avec la cartographie des risques vigilance. Cependant les enjeux identifiés dans le cadre de la double matérialité sont des enjeux macro, contrairement aux attentes dans le cadre du devoir de vigilance, qui portent sur des risques plus précis qui font appel aux filiales et mobilisent de nombreux acteurs en interne.
Partager les résultats de votre cartographie est essentiel pour la transparence et la confiance
« La cartographie des risques, c’est un outil de pilotage mais pas seulement. C’est aussi un outil de communication et de sensibilisation. » – Amine Talbi
En externe, les cartographies des risques sont communiquées à l’occasion de reporting extra financiers. En interne, de nombreux services sont sollicités dans sa formalisation, la RSE et le Contrôle interne notamment. Les résultats sont également partagés aux actionnaires.
Pour Charlotte, la cartographie est un outil qui permet d’engager le dialogue. Les parties prenantes potentiellement impactées sont identifiées via l’exercice de cartographie. Pour matérialiser les risques le plus justement possible, il est nécessaire de les impliquer dans l’exercice. Cela passe par des échanges avec les représentants syndicaux, des panels représentatifs de parties prenantes, la récolte des informations issues des systèmes d’alertes, etc. Cela permet de renforcer l’effectivité de la démarche.
L’élaboration d’une cartographie est une opportunité selon Samuel. Elle peut être intégrée à la vie de l’entreprise et permet d’avoir une action de sensibilisation. La démarche de conformité implique de nombreuses personnes, il est essentiel que ces dernières comprennent que cela demande une implication continue et un travail de mise à jour régulier. Le soutien continu de l’instance dirigeante est donc nécessaire, pour favoriser l’acculturation de la cartographie. Il est également nécessaire de former, en amont, les personnes interrogées dans le cadre de l’élaboration de la cartographie.
L’astuce de Charlotte : consulter les guides, disponibles en anglais, produits par les autorités allemandes sur le devoir de vigilance.
Les trois ingrédients essentiels pour une cartographie des risques réussie
- De l’accessibilité. Amine souligne que la cartographie des risques s’adresse également aux opérationnels. “Il faut penser d’introduire la notion des risques à tous les niveaux.”
- Du courage. Charlotte nous encourage à ne pas avoir peur devant l’ampleur de l’exercice. “En cherchant des informations, vous aller les trouver. Il ne faut pas hésiter à aller creuser là où ça fait mal.”
- De l’humilité. Pour Samuel, il faut accepter de ne pas être exhaustif dès sa première cartographie. “Quand on se lance, il ne faut pas oublier que c’est un processus d’amélioration continue qui va évoluer et être mis à jour régulièrement.”