À l’heure où les sociétés de gestion sont en train de se pencher sur la prochaine édition de leur Rapport ESG/Climat, qui doit être édité au 30 juin 2024, Julien Commarieu, Directeur RSE, Risques et Compliance de la société RGreen Invest et Lauréat des Transparency Awards 2024 du Rapport ESG/Climat décrypte pour nous les tendances et nous fait part de ses convictions.
Quels sont les grands enjeux du Rapport Climat aujourd’hui ?
Les Rapports Climat reposent d’abord sur l’engagement et les convictions de chaque société, et donc sur la vision des actionnaires. C’est un travail qui nécessite des moyens, une équipe ESG/RSE formée et motivée, une entraide de la part de contributeurs et relecteurs internes. Sans surprise, la récupération et le traitement des données ESG représentent une étape préalable fondamentale. C’est un travail technique et méthodique de définition, collecte des informations via des outils adaptés, étude, synthèse et finalement de mise en forme.
Nous pressentons cependant une tendance nouvelle, qui peut paraître surprenante : le besoin d’une représentation claire de la réalité des faits ! Un rapport ESG/Climat doit être un outil de présentation des impacts positifs et négatifs, sans nier les problématiques et dommages sur l’environnement ou les risques sociaux. Toute activité économique porte un risque, la question est d’en analyser la pertinence, l’utilité et d’évaluer les moyens de minorer voire de compenser ces effets. Les rapports extra-financiers doivent présenter ces externalités le plus justement possible, tout comme les efforts réalisés en tant qu’investisseur.
La présentation des actions d’un investisseur est un travail subjectif et toujours largement critiquable et améliorable, nous estimons que l’important réside notamment (mais pas uniquement) dans la courbe de progression. Il est ainsi nécessaire de se remettre sérieusement en cause chaque année dans cet exercice sans cesse perfectible de clarté.
L’évolution des réglementations apporte-t-elle de la clarté ou de la complexité ?
La réglementation actuelle est proprement foisonnante, via de nombreuses normes privées (par exemple PRI, TCFD, TNFD, GHG Protocol, SBTi, Greenfin, etc.) et de récents textes réglementaires (en Europe notamment : SFDR, Taxonomie, CSRD, etc.). Tout ceci est peu lisible en effet pour des investisseurs finaux non spécialistes. Un des aspects positifs est cependant matérialisé par la définition de la durabilité d’un point de vue environnemental, définition donnée notamment par la taxonomie verte de l’Union européenne (UE). Ce texte permet en effet d’identifier de manière claire les activités économiques en ligne avec les recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), via des critères relativement précis, ce qui donne une garantie aux clients finaux.
La complexité réglementaire entraîne un coût pour les entreprises et pour les investisseurs, car cela nécessite comme précédemment expliqué, des équipes, process, et outils. Mais cette complexité porte également des aspects extrêmement positifs. Par exemple, nous estimons que l’alignement d’une société à la taxonomie de l’UE est susceptible de créer un « green premium ». Ceci d’un point de vue marketing pour le client final bien sûr, mais également car l’application des critères techniques de la taxonomie (études d’impact environnementales, analyse du risque climatique sur les actifs, minimums sociaux à respecter, etc.) permet de baisser le risque opérationnel et, dans le même temps, de verdir le bilan des investisseurs institutionnels. Nous considérons ainsi que l’ESG s’avère rentable sur le temps long.
« Les rapports ESG/Climat doivent devenir plus techniques.
Une complexité gage de réalité et de qualité »
Du fait d’une énergie à ce stade abondante, nous vivons dans une société technique complexe, cette réglementation n’est peut-être que le reflet de cette situation. Il paraît malheureusement difficile de répondre au phénomène du réchauffement climatique et des risques sur la biodiversité avec des idées et des réponses simples.
Quelles sont vos principales recommandations ?
Nous avons par exemple fait le choix de présenter, dans nos rapports ESG/Climat, les incidents ESG détectés, les estimations des hectares artificialisés ou les principaux risques environnementaux de nos projets. Les rapports ESG/Climat doivent devenir plus techniques, il ne faut pas craindre cette complexité encore une fois, elle est gage de réalité et de qualité. Il faut aussi cependant, en contrepartie, savoir faire des synthèses et expliquer la démarche. Par ailleurs, les informations présentées doivent être justifiables et auditables via des documents probants transmissibles sur demande.
Un autre point clé : nous avons fait le choix de présenter les photographies de nos projets. Nous pensons que c’est un point essentiel pour le lecteur. La plupart des rapports extra-financiers sont agrémentés de photographies de paysages, lorsque l’on souhaite souligner les engagements environnementaux ou de photographies de communautés lorsque l’on souhaite mettre en avant l’impact social. Ces images n’ont pourtant, le plus souvent, aucun lien avec l’activité financée. Nous pensons qu’il est important de montrer la réalité des sociétés et des projets du portefeuille (projets industriels, sociétés de services, projets agricoles, etc.). Il semble nécessaire d’assumer, de montrer les usines et les infrastructures. Le lecteur en sera reconnaissant, car il trouvera une information juste et non pas une page de publicité sans âme.
Nous prenons enfin le temps de nous inspirer du travail publié par nos pairs, notamment en France. De nombreuses sociétés de gestion réalisent un travail remarquable et inspirant.