Lors de son intervention à la Cérémonie des Transparency Awards Ethics & Compliance 2024, qui s’est tenue le 28 novembre 2024 à Paris, Anne-Sophie Moreau, Directrice de la rédaction de Philonomist, a échangé avec Samuel Guetta sur le thème “Donner confiance en 2024”. Elle a abordé les défis de la transparence en entreprise en croisant histoire, philosophie et enjeux actuels.
Une transparence ambiguë
Anne-Sophie Moreau commence par une observation : la transparence en entreprise est tout sauf naturelle. Historiquement, les premières tentatives de transparence étaient liées à des besoins de surveillance, notamment dans les prisons ou les usines. Le Panoptique de Bentham, par exemple, illustre cette volonté de contrôle total, où chaque individu pouvait être surveillé en permanence. Aujourd’hui encore, cette dualité persiste : les bureaux ouverts symbolisent un désir de visibilité, mais les employés revendiquent des espaces d’intimité. Pour Anne-Sophie Moreau, les exigences contemporaines renforcent cette dynamique. On demande aux entreprises d’être transparentes pour inspirer confiance, tout en maintenant une maîtrise stratégique de leurs zones d’incertitude.
Le lien entre information et pouvoir
Anne-Sophie Moreau, en s’appuyant sur les travaux du sociologue Michel Crozier, souligne une résistance fondamentale à la transparence : le lien entre information et pouvoir. Dans son essai Le Phénomène bureaucratique, Crozier définit le pouvoir comme la maîtrise des zones d’incertitude au sein des organisations. Détenir une information, c’est posséder une forme de contrôle et la partager équivaut à céder une partie de son influence. Dans les structures complexes, où les mécanismes organisationnels sont souvent opaques, cette dynamique rend la transparence délicate et suscite des résistances.
Le Compliance Officer comme gardien courageux
Anne-Sophie Moreau compare le rôle du Compliance Officer à celui des gardiens décrits par Platon dans La République. Ces gardiens, garants des principes moraux, doivent faire preuve de courage pour appliquer et défendre des règles, même face à l’inconfort des dirigeants ou des collaborateurs. Cependant, ce courage n’est pas héroïque au sens classique. Il repose sur trois compétences clés :
• Poser des mots sur des enjeux complexes,
• Faire émerger la vérité,
• Porter des débats qui réintroduisent la réflexion collective au sein de l’entreprise.
Selon elle, le véritable rôle des Compliance Officers dépasse la simple application des règles. Ils deviennent des vecteurs d’un questionnement éthique permanent, essentiel pour construire une culture de transparence durable.
« Je pense que l’une de vos missions (en tant que Compliance Officers), c’est véritablement de relancer le débat en permanence sur ce qui est juste et d’essayer de concevoir votre mission comme ça. »
Transparence et bonheur en entreprise
Pour conclure, Anne-Sophie Moreau cite Aristote, qui définit le bonheur comme la participation active à la vie de la cité. Transposé à l’entreprise, cela signifie que la transparence peut être un outil de bien-être collectif : non pas comme un moyen de contrôle, mais comme une façon de réapprendre à penser ensemble. La transparence devient alors une invitation à créer un espace de délibération et de justice partagée, où chacun peut contribuer à un projet commun.
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