Risque climat dans le DEU, ou mieux dans un rapport autonome

Jeudi 10/06/2021

L’ampleur des défis posés par le changement climatique, conjugué à la pression de la société civile, des investisseurs et du régulateur renforcent les exigences liées au risque climat. Lancée en 2017 dans le cadre du G20, la TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) présidée par Mickael Bloomberg transforme progressivement le paysage du reporting climat des entreprises. Ce n’est qu’un début. Ce thème du climat fut au cœur des échanges des assemblées générales 2021.

Entretien avec Sandrine L’Herminier, Directrice Conseil en RSE chez Labrador

Pourquoi les entreprises doivent-elles sans attendre se mettre à la TCFD ?

Pour l’heure, les entreprises éligibles à la DPEF abordent généralement le risque climat dans leur reporting. C’est déjà ça. Mais il y a encore tellement de progrès à faire en matière de présentation, de structuration, de mise en relation avec la stratégie, de mise en exergue des opportunités.

La TCFD est un référentiel international qui permet de répondre aux enjeux du reporting climat. Il s’adresse aux entreprises et aux acteurs financiers (investisseurs institutionnels, gestionnaires d’actifs, banquiers et assureurs) qui peuvent y souscrire de manière volontaire. Les institutions financières sont déjà soumises à l’article 173 de la loi de la Transition énergétique * qui leur impose de rendre compte des risques liés au changement climatique. La TCFD vise à intégrer les effets du dérèglement climatique dans les décisions stratégiques des entreprises.
Le climat est désormais considéré comme un risque extra-financier majeur. Autant dire que les investisseurs ont besoin de données tangibles et comparables pour bien évaluer les risques et opportunités pour mieux flécher leurs investissements.

Avec ses quatre thèmes de reporting : Gouvernance, Stratégie, Gestion des risques et Indicateurs et Objectifs, la TCFD apporte un cadre universel pour un reporting efficace et transparent sur le climat.

Pourquoi un document ad hoc, dédié ?

Les entreprises les plus avancées s’alignent déjà sur les lignes directrices de la TCFD et publient une table de concordance dans leur Document d’enregistrement universel (DEU). Mais l’exercice atteint vite ses limites. L’information relative au risque climat dans un rapport autonome dédié permet d’élargir son lectorat. Il y a bien entendu les investisseurs, mais sur ce sujet, les attentes en matière d’information sont fortes de la part de l’ensemble des parties prenantes : les partenaires, la presse, les ONG, sans oublier les collaborateurs. L’exercice nécessite une vision transversale et un travail en mode projet. Il décloisonne les équipes et développe la culture de l’entreprise autour de ces risques et opportunités, de la manière de les aborder, de les traiter…

Pour aller plus loin : Télécharger notre Fiche pédagogique : « Rapport climat : la TCFD en pratique »

Quelles sont vos principales recommandations ?

En reprenant les 4 axes, il faut pour la gouvernance climat, valoriser l’expertise en la matière des membres du conseil d’administration, préciser les critères de rémunération du Comex en lien à l’atteinte d’objectifs climat et mentionner noir sur blanc le nombre de séances dédiées et les sujets abordés. Sur la stratégie, le lien doit être fait entre la feuille de route et l’évolution du business model, avec au cœur de l’organisation, la décarbonisation des activités. Les opportunités liées au changement climatique doivent être mises en avant pour démontrer la résilience de l’entreprise ou de l’organisation. La méthodologie d’analyse des scénarios climatiques robustes doit être clairement présentée et proche de celles des autres acteurs du secteur.

Pour la partie gestion des risques, la présentation de l’impact financier des risques climat au regard de l’activité et de la présence géographique est incontournable. Enfin, dernier point et non des moindres, les indicateurs de suivi et les objectifs de moyen et long termes doivent être présentés dans un tableau de bord. Les indicateurs qui vont permettre d’atteindre les objectifs intermédiaires doivent être mis en avant.

Pour que ce rapport autonome sur le risque climat remplisse sa mission vis-à-vis d’un large public, l’ensemble de ces informations doivent être claires, accessibles, illustrées avec une part belle faite aux bonnes pratiques concrètes.

Propos recueillis par Beñat Caujolle

* bientôt remplacé par l’article 29 de la loi Energie Climat

QUELQUES CHIFFRES SUR LE REPORTING CLIMAT

96 entreprises en France suivent les lignes directrices de la TCFD

50 % des entreprises du CAC 40 se sont alignées sur les recommandations de la TCFD, contre 38 % en 2019 et 12 % en 2018

18 rapport autonome sur le climat publiés en France